mardi, 07 janvier 2020 12:47

Mon shack

Mon Shack a paru dans le numéro 11, de la revue Cavale au printemps 2020 à Sherbrooke.

 Ma maison est un shack. Ma maison est un shack aux planches raboutées aux palettes décollées comme celles de la fille que je n’ai pas eu. 

Mon shack est un refuge pour les souris et les écureuils qui savent pas voler ou ceux dont la mère est tombée de la cime d’un pin blanc. Les rongeurs font leur nid d’épines dans son ventre éventé. Pour combattre sa peur de la nuit, mon shack qui est ma maison fixe l’étoile Polaire de son unique fenêtre, rêvant d’être un aigle ou un espadon surfant sur des moutons de lune.

L’été dernier, j’ai renié mon shack pour l’herbe plus verte du voisin sans pissenlits ni feuilles mortes. Juste des beaux brins bien cordés alors que ma cour est un chaos brun de roches, de bouette, de bébittes et de champignons gluants. Sauf que le voisin, il arrose son beau gazon vert fluo aux pesticides. Ça fait que je suis revenue malade pis mon shack m’a soigné l’envie avec des plantes fourchues. Il m’a abrité entre ses planches raboutées même si je l’ai abandonnée aux loups et à sa peur du noir. Même si en mon absence des bêtes ont crevé son unique œil et que l’étoile Polaire est devenue la constellation du Corbeau.

Mon shack pis moi on doit survivre à l’hiver de notre pays, ça fait que je colmate ses brèches qui claquent des dents pis je le serre dans mes bras troués de regrets. Pour chasser l’esprit des tempêtes et les crottes de souris, je confectionne un balai avec des branches de saule. Y va être propre mon shack. Je découpe une fenêtre à l’est pour que nous puissions voir le lever du soleil bleu à travers les branches d’épinettes. Mon shack je suis sa maison. Ma maison c’est mon shack.

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